Yosemite reste une destination privilégiée pour tous les amateurs de grands espaces et de photographie. Ainsi Mitchell Taylor nous racontait ses longues heures de marche largement récompensées par des paysages à couper le souffle. Dernièrement, Yann Bervas est lui aussi parti à l’assaut du parc américain et de ses trésors dont il rêvait depuis tant d’années.
Yosemite. Rien que ce nom m’évoque depuis l’enfance une vallée idyllique gorgée de chutes d’eau vertigineuses, d’immenses falaises et des dômes granitiques surplombant de gigantesques forêts de conifères. Yosemite, c’est le parc américain rêvé que je m’apprête à découvrir avec impatience. Nous sommes au mois de juin, le soleil est au beau fixe et je me dirige vers l’entrée du parc. Un ranger m’accueille avec un accent typique : « Welcome to Yosemite Parc ! » Son sourire efface soudainement les heures de route dans le désert et l’enfer des 45 degrés.
Je lui pose alors la question ultime : « on peut voir des ours ? » Il répond : « Bien sûr ! Nous avons pas loin de 500 ours vivant dans le parc ! » J’apprends que les ours noirs de Yosemite sont bruns et peu agressifs. Des bear boxes, sorte de grosses boites métalliques, sont placées un peu partout dans le parc afin d’éviter que les ours ne viennent vous dépouiller pendant votre sommeil. Il est d’ailleurs interdit de laisser de la nourriture dans sa tente ou même dans sa voiture sous peine d’une forte amende !
Dès mon arrivée, Mariposa Grove et ses séquoias me donne un aperçu de ce que le parc va m’offrir. Une route serpente entre ces géants de la nature. Je traverse un tunnel et soudain, une vision s’offre à moi telle une peinture. Le décor est planté, la vallée de Yosemite est face à moi. El Capitan domine. Ce haut lieu de l’escalade, dont la réputation n’est plus à faire, est une paroi de 900 m de haut. De l’autre côté, une cascade lui rend hommage. Et puis cette vallée… Je me sens comme un explorateur découvrant un nouveau monde !
Une fois descendu de mon nuage, je fais un stop à Bridalveil Fall. Vu la horde de touristes, il est évident que je ne suis pas le seul à avoir eu l’idée de visiter ce temple de la nature et les places de parking sont chères. Je continue ma route quand je pousse un cri de joie, seul dans ma voiture : une cascade se dresse sur ma gauche, derrière El Capitan. Il s’agit de Yosemite Fall. Un débit impressionnant s’en écoule, son écho dans la vallée arrive jusqu’à mes oreilles. Cette vision de grandeur m’empare, j’en ai encore des frissons.
Je trouve enfin une place. Mon esprit ne me commande qu’une seule chose : je dois absolument voir de plus près cette cascade. Pas d’hésitation, j’enfourne mes chaussures de rando, ma gourde, une barre de céréale dans mon sac et me voilà lancé sur l’un des plus anciens sentiers du parc. Je commence par une montée à en décourager plus d’un. Il fait chaud, très chaud, mais le panorama est merveilleux. Soudain, j’aperçois le fameux Half Dome. Cette montagne voutée est elle aussi une ascension emblématique de la région. Je n’aurai pas le temps de la gravir, mais je garde cette idée en tête pour la prochaine fois !
Le vacarme assourdissant de la cascade se fait entendre au fur et à mesure que j’avance. Je passe un col, elle apparait. Elle est encore plus impressionnante de près, je la contemple avec des yeux d’enfant. À son sommet se déversent des tonnes d’eau sur une paroi de 740 mètres avant d’atterrir dans un gigantesque nuage. Mes yeux impriment chaque mouvement irrégulier de son débit. De temps à autre, des vagues de gouttes d’eau viennent couvrir mon visage et mon objectif.
La chaleur se fait ressentir, j’entame la descente. Enfin arrivé à mon véhicule, je décide de me rendre à cette rivière, au milieu de la vallée, que j’ai remarqué plus tôt. La fonte des neiges est si forte à cette période de l’année que les étendues d’eau débordent. La promenade se termine les pieds mouillés, ça fait un bien fou !
Le soleil commence à descendre, je décide de retourner à Tunnel View ou j’ai repéré un petit coin de paradis à l’écart des touristes. Le point de vue est idéal pour m’allonger et faire une sieste réparatrice. Je m’endors, épuisé par l’effort. Ce lieu me fait penser à mes années de scout, ce temps où tout paraissait facile, la communion avec les éléments, l’odeur de la forêt et les joies de camper entre amis. C’est là que j’ai appris à faire un feu de bois, monter une tente et m’organiser dans la nature. Aujourd’hui, je m’en sers à chaque aventure et remercie encore mes parents de m’y avoir inscrit.
J’ouvre les yeux et me demande un instant où je suis. Le temps de reprendre mes esprits et me voilà en route pour ma prochaine destination : Glacier Point. À 2200 mètres d’altitude, je domine l’horizon d’un simple regard. Sur la route, quelques couches de neige résistent tant bien que mal au printemps. Devant moi se dresse tout ce que la vallée recèle de trésors : El Capitan, Yosemite Fall, le Half Dome et Nevada Fall composent le décor.
Le soleil entame sa plongée derrière les montagnes, les lumières virent du bleu au jaune éclatant. Le spectacle commence et je suis à la meilleure place. Tous mes sens sont en éveil. Un énorme nuage complète le tableau. Soudain l’orage gronde, quelques éclairs se dessinent au loin. L’atmosphère est irréelle. Même les rangers du parc abandonnent leur tâches pour assister à la scène. Ce qui s’offre à moi dépasse tout ce que j’ai pu imaginer en préparant ce voyage. C’est tout simplement beau. Je reprends la route, euphorique, en direction de l’Est.
Ce matin-là, la nuit est encore noire mais je suis déterminé à ne rien manquer des premières lueurs du jour. J’enfile mon short, mange quelques cookies et bois un thé à la vanille. La batterie de mon appareil photo est chargée à bloc, ma carte mémoire ne demande qu’à se remplir. Une sacré gourmande, celle-là ! Je choisis alors de retourner à Tunnel View car le soleil fait son entrée par ce côté de la vallée. Sur le parking, les photographes et leurs trépieds sont déjà en place.
Je m’éloigne dans les hauteurs afin d’être plus tranquille, plus au coeur de la nature aussi. L’angle de vue est parfait, tout est en place. Il est 5h du matin, le soleil entre en scène et envahit peu à peu la vallée. Il éclaire la cascade, la forêt, puis revient sur ses pas, caché par un nuage. En un ballet de lumière, les ombres s’effacent et reviennent progressivement. Mon autofocus s’affole, mon coeur aussi.
Il est 8h du matin, Yosemite se réveille. Je me rends à mon ultime parcours, le Mist Trail, qui longe Merced River m’offrant l’accès à Vernal Fall et la majestueuse Nevada Fall. Une phrase prononcée par John Muir, fervent défenseur de la nature a qui l’ont doit la protection de la vallée, me vient en tête : « The Mountains are calling and I must go ». Me voici lancé sur ses traces pour 6 heures de randonnée.
Après quelques miles parcourus, je passe un pont en bois d’un autre âge qui vacille sous mes pieds. Je continue ma route et croise un petit garçon mouillé de la tête aux pieds. Je trouve ça étonnant, mais je n’y prête pas plus attention. Plus tard, je comprends ce qui m’attend : le sentier longe un étroit goulet où se déverse une cascade, projetant des milliers de fines gouttes d’eau. Je grimpe les marches une à une, me précipitant derrière les quelques personnes qui avaient prévu leurs ponchos. Mes cheveux dégoulinent sur mon t-shirt tout aussi détrempé. Je parviens enfin au sommet de la chute où le soleil et la chaleur pourront me sécher.
Sans plus attendre, je me remets en route pour atteindre Nevada Fall, Le graal de cette journée. Je traverse une forêt, une nouvelle cascade dont le point de chute s’envole dans l’air comme une brume. L’ensemble créé une atmosphère chargée de contrastes et de lumière mouvante. Décidément, je comprends mieux l’enthousiasme qui entoure ce parc. Un arrêt s’impose sur une plate-forme de granite, Liberty Cap se dresse à ma droite. La vue est à couper le souffle.
Je me sens connecté, comme si soudain, je faisais partie du décor. Je me sens libre aussi. Deux jours que je vagabonde dans cette vallée, arpentant les sentiers avec une soif de découverte et je dois dire que j’en prends plein la vue. Je m’assoupis à nouveau, l’esprit serein. Puis il est temps de redescendre, empruntant un autre sentier, le fameux John Muir Trail. Sur mon chemin, je croise un écureuil et lui demande s’il a eu la chance de voir un ours. Je ne désespère pas d’en croiser un jour. Yosemite n’a probablement pas fini de me livrer ses secrets. J’y reviendrai un jour, j’en suis certain.
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