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« On devient malheureux mais on naît solitaire », disait Paul Guimard, écrivain français et grand amoureux de la mer. La photographe Laura Austin a fait de la solitude sur les routes une tradition. Dans notre volume V, The Unexpected Issue, elle nous expliquait comment ses voyages en solitaire lui ont permis d’appréhender la vie autrement. Une certaine idée de la liberté qu’elle raconte également dans son livre « Solo : a guidebook to travel alone ».
Quel est le laps de temps le plus long que vous ayez passé tout seul ? Est-ce qu’il se compte en minutes, en heures, en jours, en semaines ? Notre société actuelle nous pousse à regarder la solitude de haut. Et nous y adhérons, de peur d’être considéré par les autres comme un vulgaire « solitaire ». Et si il était envisageable de profiter de la solitude sans pour autant être seul ? Vous me suivez ? Ces quatre dernières années, en essayant de voyager seule. J’ai exploré l’idée selon laquelle il est tout à fait possible, parfois, de se contenter de soi-même.
Ce qui n’était à la base qu’un simple moyen de faire face à une mauvaise passe dans une relation s’est vite transformé en une tradition. Celle de voyager seule avec moi-même, à la recherche d’un peu de clarté. Quand vous passez des heures, des jours même, à avaler les kilomètres jusqu’à en perdre le compte, avec rien d’autre que vos pensées pour vous occuper l’esprit. Vous êtes forcé d’affronter le « tout » et le « n’importe quoi » qui sommeille en vous. Les voyages en solitaire sont devenus une forme de thérapie personnelle. Une source d’inspiration, une nouvelle chance chaque année d’appuyer sur le bouton « Réinitialiser ».
Il y a quatre ans, après une dispute, mon petit copain de l’époque avait décidé de quitter la ville la veille du Nouvel An. Plutôt que de me morfondre à Los Angeles en pensant à tout ce que je n’allais pas faire avec lui pour célébrer la nouvelle année. J’ai décidé de prendre la route sans réfléchir, vers une partie du pays que j’avais toujours rêvé de découvrir. Le 31 décembre au soir, j’ai chargé ma voiture et filé en direction de White Sands. Un désert de sable blanc situé du côté du Nouveau-Mexique… À 13 heures de route de chez moi.
Folle de joie à l’idée de passer le premier jour de l’année là-bas. J’ai mis moins d’une journée pour arriver sur place. Je suis tombée sur le motel miteux qui allait me servir de toit juste à temps pour fêter l’instant avec une bouteille de whisky. Et l’horloge sonna minuit. Le lendemain matin, je me suis réveillée avant le lever du soleil, direction : le Parc National. Au fur et à mesure que le soleil montait dans le ciel. Je traversais, comme seule au monde, une succession infinie de montagnes de sable blanc. Sans même que je m’en rende compte, des larmes se sont mises à couler sur mon visage. Pas parce que mon mec me manquait, non… Tout simplement parce que, quand vous êtes livré à vous-même dans un endroit aussi beau, sans la distraction d’une compagnie quelconque, tout prend infiniment plus de sens.
De White Sands, j’ai alors continué ma route jusqu’à Santa Fe et le Nouveau-Mexique, où j’ai traversé les ruines d’anciens villages de natifs américains. Puis vers Sedona, en Arizona, où je me suis débrouillée pour gravir les rochers escarpés d’une falaise afin d’y contempler un nouveau lever de soleil, tout aussi beau, sans aucune âme qui vive aux alentours. Puis, enfin, j’ai repris la Route 66 vers Los Angeles. Armée de mon appareil photo, de mon tripod et de ma télécommande, j’ai pu m’auto-documenter pendant le voyage, pour partager mon histoire. Je me suis arrêtée partout, y compris et surtout dans les endroits les plus étranges.
En rentrant, j’ai eu la meilleure réponse qui soit à donner à tous les curieux du solo road trip. Les gens me demandaient si je m’étais sentie seule, si j’avais eu peur, surtout « en tant que femme », ou si ça avait été déprimant de n’avoir personne avec qui me remémorer mes souvenirs de voyage une fois rentrée à Los Angeles. « Non » a été la seule réponse que j’ai pu leur donner. Mieux, ce voyage s’était révélé être une expérience si enrichissante que j’en ai fait une tradition à chaque nouvel an. Objectif : commencer l’année en véritable accord avec moi-même, en faisant seulement ce qui m’importe vraiment.
Au-delà de ces « New Year’s Trips », j’ai mis un point d’honneur depuis à prendre quelques jours pour voyager toute seule quand je suis envoyée à droite à gauche pour mon travail de photographe. En Écosse par exemple, je m’en souviens comme si c’était hier. Je m’étais retrouvée au milieu de nulle part avec un pneu crevé, sans roue de secours et avec une couverture réseau inexistante. Complètement bloquée, j’avais marché quelques kilomètres sous la pluie jusqu’à une ferme devant laquelle j’étais passée. Avec un peu d’hésitation, de réticence même peut-être, j’avais frappé à la porte en espérant que les occupants me laisseraient utiliser leur téléphone pour appeler une dépanneuse. Mais j’avais trouvé beaucoup plus que ça.
Une famille incroyablement accueillante m’avait installée dans son salon. La femme m’avait servi une grande tasse de thé chaud pendant que le mari avait appelé les services de dépannage de la région. Après une charmante conversation, il m’avait raccompagné jusqu’à ma voiture et attendu avec moi que les dépanneurs arrivent. Cette journée que j’avais pensé classer au Panthéon des plus catastrophiques s’était transformée en une expérience que je n’oublierai jamais. Le genre qui te fait réaliser une chose : tant que les choses n’ont pas mal tourné, l’aventure n’a pas vraiment commencé.
Quand vous êtes forcé de surmonter l’adversité par vos propres moyens, vous en ressortez grandi et avec un sentiment d’accomplissement qui vous suit ensuite à chaque instant de votre vie… Une leçon particulièrement importante, je crois, pour les jeunes femmes que je représente ici. Il n’y a personne pour vous empêcher de faire ce que vous voulez vraiment. Vous souhaitez vous lever avant le soleil pour contempler son réveil depuis le sommet d’une montagne ? Faites-le. Vous avez remarqué quelque chose au loin qui mériterait que vous fassiez un détour ? Courez-y, quoi qu’il en coûte ! Voyager seule, vous offre cette dose précieuse de temps pour vous-même. Une parenthèse, comme une place laissée à l’introspection, devenue un véritable luxe à une ère où la technologie ne nous laisse plus jamais seuls.
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