Entre la France et l’Italie, les Alpes du Sud offrent le terrain de jeu parfait pour partir en road trip. Il y a quelques mois, Arnaud Teicher du Fresh Air Club nous racontait sa virée le long de la frontière. Loren Pasquier est elle aussi partie à bord de son van pour découvrir paysages alpins, routes tortueuses et petits villages italiens. Un voyage en solitaire pour se reconnecter à l’essentiel.
[dropcap]I[/dropcap]l faisait chaud lorsque j’ai tourné la clé du camion. Fin août, 16h environ. Je passe la première, enchaîne la série de dos d’ânes qui m’éloigne de la maison de mon père. J’appuie sur la pédale d’accélération en tentant d’attraper l’atlas d’Europe dans la portière passager. Figure assez esthétique : je rate de peu René promenant son chien sur le côté de la route. Le plan sur le volant, je cherche quelle route emprunter pour rejoindre les Alpes du Sud, ma destination. Je n’en sais pas plus. On m’a dit : « le Queyras est vraiment chouette, ça va te plaire à coup sûr ». Me voilà donc en route pour les Alpes du Sud, avec mon van, l’atlas, un réchaud, des carnets de croquis, mon appareil photo et de bonnes playlists.
Je me sens bien au volant. La cabine est assez haute, je surplombe le paysage. Je finis tout de même par m’arrêter au bord de la route pour grimper sur le toit et admirer la vue à 360°. Première photo. Je dépasse Sisteron et rejoins Embrun en contournant le Lac de Serre-Ponçon. J’y ai passé la moitié de mes étés d’enfance, ce qui donne un petit côté pèlerinage à ce premier arrêt. Au bout d’un chemin de terre le long du lac, je trouve un campement de saisonniers fêtant leurs derniers jours de travail. Je coupe le moteur près des leurs et me joins à eux, avec mon pack de bières et mon quart de brie.
Autour de la grande table, on parle de la journée et de celles à venir. Après une session de djembé et didgeridoo, je finis par aller me coucher, bien décidée à dormir sous les étoiles. J’attrape mon matelas pour le faire glisser sur la galerie, suivi de mon duvet et de mon oreiller. Je m’endors là, perchée sur mon toit.
Les jours qui suivirent furent tous singuliers et riches à leur manière. Un matin, je me décide finalement à suivre quelques-uns des fêtards qui prennent la route pour les Gorges du Verdon pour un festival. La nuit est courte. Au matin, me voilà repartie une fois de plus sur mes pas, direction le Queyras cette fois. La route est étroite et sinueuse, ce qui m’oblige à fixer le goudron alors que mes yeux aimeraient se perdre dans le paysage. C’est un luxe d’être seule au volant, on s’arrête quand on le souhaite, où on le souhaite. Je prends mon temps. Quelques photos, une bonne baignade… Je vais de lacs en rivière et d’étangs en torrents. L’eau est si glacée qu’on se sent forcément frais et propre en sortant !
Je ne compte plus les kilomètres avant d’atteindre le col d’Izoard, en bordure du Queyras. Je suis à 2361 m d’altitude, il fait 10°C. Ça sent bon la montagne. Je vais passer la nuit ici, perdue au cœur des sommets. Je décide de m’aventurer sur un petit sentier, bien cabossé, qui devient rapidement un sacré défi pour le van. Une fois la plus éloignée possible de la route principale, je coupe le moteur. Plus un bruit. Juste le vent qui crée un doux sifflement.
Mon rythme a changé en quelques jours. Mon horloge interne semble s’être alignée avec celle des planètes. Je me couche avec le soleil et il me réveille le matin. Je prends le temps de dessiner, de boire mon café en ne faisant rien d’autre que de laisser mes yeux se perdre dans les paysages qui m’entourent. Plusieurs heures par jour, je lis, notamment L’Alchimiste et le périple de Santiago, qui se prête bien à mes pérégrinations. Ce livre m’avait été conseillé par un de mes amis qui vivait à la rue à l’époque. C’était son livre préféré.
Chaque jour je reprends la route pour plus ou moins longtemps, chausse mes bonnes chaussures et pars randonner à la journée, sac à dos et appareil photo sous le bras. Je traverse Briançon puis Montgenèvre, jusqu’à passer à la frontière italienne. Me voilà à Suse. Je retrouve le brouhaha citadin, qui ne m’avait pas manqué. J’arpente les ruelles, déguste une bonne pizza accompagnée d’une bière fraîche et dessine les passants.
Le reste du périple sera donc italien : direction Lac d’Orta, au Nord du pays. Orta San Giulio est un petit village paisible. J’y ai trouvé un emplacement de luxe, au cœur du village, à deux minutes à pied de la rive du lac. Le soir venu, je m’offre un repas les pieds l’eau : armée de mon camping-gaz, de ma casserole et de mon paquet de pâtes, me voilà pas peu fière au bout du ponton, avec un magnifique panorama montagneux. Le lendemain, j’ai compris pourquoi j’étais le seul véhicule non immatriculé en Italie sur ce parking : un beau PV à régler sur le champ à la police municipale m’attendait.
Mon dernier stop sera l’ascension du Mont Baldo, au-dessus du lac de Garde. Après 4 heures de randonnée, j’atteins finalement le sommet qui m’offre une vue imprenable sur le coucher de soleil. La redescente se fait inévitablement de nuit. J’entreprends la descente en petites foulées, qui se terminera à la frontale. Mon retour en France se fait le long de la côte, à plus vive allure. Un sacré voyage où la solitude me permit de me retrouver, de vivre à mon allure, et de faire ce que j’aime : marcher, prendre des photos, lire, dessiner et rencontrer des gens peu communs. Et je ne peux que le recommander à quiconque souhaitant prendre le temps de vivre et s’écouter. Homme ou femme, seul(e) ou à plusieurs. Le terrain de jeu est grand.
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