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Pour les amateurs d’outdoor, Grenoble est la ville idéale, où quelques minutes suffisent pour passer des trottoirs à la nature. Entourée de massifs renommés comme le Vercors ou la chaîne de Belledonne, l’agglomération est souvent le point de départ de nos aventures, que ce soit pour une course d’arête ou une nuit en portaledge. C’est du côté du plus discret mais tout aussi facile d’accès massif du Taillefer que Nicolas Thiers s’est quant à lui tourné, direction le plateau des lacs, sur le tracé du GR®50. Au programme de ces deux jours de randonnée dans la neige : une nuit dans une cabane non gardée et l’ascension du Grand Galbert.
Timidement, la neige a fait son apparition sur les Alpes en cette fin novembre. Grenoble se retrouve encerclée par les monts enneigés. De quoi inciter ses habitants, dont nous faisons partie, à partir crapahuter dans les quelques centimètres d’or blanc tombés ces derniers jours.
Si les quantités de neige restent assez faibles. La progression sans équipement semble délicate et légèrement périlleuse au-delà de 2 500 mètres. Nous évacuons donc l’idée d’une ascension du Grand Taillefer, point culminant du massif du même nom avec ses 2 857 mètres. Nous optons plutôt pour le plateau des lacs, perché aux alentours des 2 000 mètres d’altitude. Une fois en haut, nous jugerons si une ascension du Grand Galbert (2 561 mètres) est envisageable.
Légèrement à l’écart des trois principaux massifs entourant Grenoble – le Vercors, la Chartreuse et Belledonne – le massif du Taillefer n’a pourtant rien à leur envier tant il offre des paysages variés, entre la haute et la moyenne montagne. Ce massif est le seul à faire partie du département de l’Isère dans son intégralité. Il a aussi pour particularité d’être divisé en trois blocs. Le plateau matheysins, le chaînon du Grand Armet et, enfin, le groupe du Taillefer avec son fameux plateau des lacs, où nous nous rendons.
La Matheysine, correspondant à la partie occidentale du massif du Taillefer, se compose de vastes dômes herbeux où paissent les troupeaux en période estivale, ne dépassant que brièvement la barre des 2 000 mètres d’altitude. Alors que du côté du Grand Armet et du groupe du Taillefer, la haute montagne s’érigent au-delà des alpages. Offrant aux randonneurs aguerris des points de vue sensationnels sur les sommets environnants.
Le Grand Galbert est assez discret face à l’imposant dôme du Grand Taillefer et ses multiples antécimes. Si ce dernier comble le Sud du plateau des lacs, le Grand Galbert émerge au Nord-Est. Entre ces deux sommets, le plateau des lacs, aussi appelé plateau du Taillefer, s’étend sur des kilomètres carrés où lacs, marres, étangs et tourbières parsèment les alpages.
Le plateau des lacs est un classique de la région grenobloise, car en à peine une heure et demi de marche, le randonneur en quête de grands espaces se retrouve totalement dépaysé. De là-haut, on profite d’une vue dégagée sur Belledonne, les Grandes-Rousses, les Écrins et les Aiguilles d’Arves. Et malgré la proximité de vallées urbanisées, le caractère sauvage des lieux reste entier. Ce plateau invite à se perdre pour découvrir les moindres lacs, cabanes et points de vue qui s’y cachent.
Le plateau des lacs est classé Site Natura 2000. Sa biodiversité est exceptionnelle et rare. Les zones humides, les lacs et les tourbières qui s’y sont formés permettent la prolifération d’une faune et d’une flore spécifique dans les Alpes. Les tourbières, notamment, reproduisent en partie le climat d’antan, conservant des espèces en voie de disparition.
L’absence de relief abrupt permet au randonneur ou au skieur d’accéder à la cime du Grand Galbert sans trop de difficulté en toute saison.s Le caractère difficile de ce circuit tient surtout aux distances – mais en effectuant notre itinéraire sur deux jours, elles restent modérées – ainsi qu’au faible balisage des sentiers menant au sommet. Cette boucle est, bien entendu, réalisable en une seule journée, mais nous voulions passer la nuit sur le plateau des lacs pour profiter des lueurs au coucher et au lever du soleil.
Trois options s’offraient à nous : le bivouac sauvage, une nuitée au refuge du Taillefer ou dans la cabane de la Jasse. Nous évacuons les deux premières options en cette saison. Le Refuge du Taillefer est fermé en période hors gardiennage et ne dispose pas d’un local d’hiver, tandis que la neige, le froid et le vent rendent délicat une nuit en bivouac. Pourquoi s’enquiquiner quand une cabane est mise à la disposition des randonneurs de passage ?
Nous démarrons à 16h00 depuis le Lac du Poursollet, point de départ pour accéder au plateau des lacs sur le versant de la Vallée de la Romanche, en suivant le GR®50. Une petite heure et demi plus tard, nous sortons de la forêt et de la mer de nuages pour arriver aux bords du Lac Fourchu, à un peu plus de 2 000 mètres d’altitude. L’ambiance passe du Canada à la Sibérie. Le coucher du soleil illumine déjà les sommets. Malmenés par la bise glaciale nous mettons le turbo pour trouver la bergerie de la Jasse. Nous longeons le lac Culasson, le lac Noir, le lac de l’Agneau et le lac de la Veche, déjà pris dans les glaces.
Vers 18h00, nous arrivons à la cabane. Par chance, aucun autre bipède n’a pris possession des lieux. Nous allumons le petit poêle et dînons en zyeutant les Alpes passer de l’heure bleue à l’obscurité totale. Il est temps de se faufiler dans nos duvets. Le réveil est prévu à 6h30, pour le lever du soleil.
Au lever, le ciel enflammé nous fait oublier le froid. Beau temps, peu de neige : nous irons bel et bien sur le Grand Galbert. Nous remettons en ordre la bergerie avant de retrouver le GR®50. Passé le refuge du Taillefer, nous grimpons sur l’arête de la Séa. Le sommet semble si proche, la perspective nous dessert. La vue sur les Alpes se démultiplie : Mont-Blanc, Grandes-Rousses, Belledonne, Vercors, Dévoluy, Écrins, Aiguilles d’Arves… Et le plateau des lacs s’étend au fur et à mesure de notre ascension.
L’arête sommitale est bien dégagée. Il est 11h00. Quelques friandises et nous entamons la descente. Nous passons sous la Cime Chalvine avant de piquer sur les chalets de la Barrière pour retrouver la forêt. La fine couche de neige fond déjà, nous zigzaguons entre les gouttes vers le Lac du Poursollet. Plus que 3 kilomètres avant de terminer notre échappée sur l’un des plus beaux plateaux des Alpes iséroises.
La bergerie de la Jasse où nous avons passé la nuit, est une cabane non gardée située hors sentier sous le Pas de l’Envious, à un peu plus de 2 000 mètres d’altitude. Elle a été totalement rénovée et aménagée en 2017 par le Parc des Écrins en collaboration avec la commune d’Ornon (une grande partie du Massif du Taillefer faisant partie de l’aire d’adhésion du Parc National des Écrins).
Bien que relativement rustique, cette cabane est équipée d’un poêle (les habitants de la commune d’Ornon se sont cotisés pour le financer et l’ont monté à la force des bras !), de tables, de chaises, de meubles contenant des ustensiles de cuisine, d’une bonbonne de gaz et de deux planches de bois pouvant accueillir une dizaine de randonneurs. Mais il faudra les cinq matelas à la courte paille. Ils sont d’ailleurs suspendus à des fils traversant la cabane de part en part pour éviter qu’ils ne finissent grignottés par les rongeurs du coin.
Bien que le poêle soit à la disposition des usagers, pensez à ramener un petit fagot de bois (et un briquet). Très peu d’arbres poussent sur le plateau et il ne faudrait se servir des petits sapins présents aux abords de la cabane, qui ont déjà bien dû mal à grandir dans cet environnement, comme bois de chauffage !
On compte sur vous pour être les plus respectueux possible lors de votre visite. Venez en petit nombre, respectez la faune et les autres usagers (pas de musique, par exemple !), entretenez les différents stocks (bois, bougies, etc) et veillez à la propreté de la cabane et des abords (il n’y a pas de sanitaires). Vous pouvez aussi laisser une petite contribution dans la boîte aux lettres de la Mairie d’Ornon pour l’entretien de la cabane, et leur faire part de toute information importante.
L’accès au départ de la randonnée se fait depuis Grenoble. En voiture, il suffit de prendre la direction de Briançon via la D1091. Au village de Séchilienne, il faut bifurquer sur la D114 en montant à la Morte (station de l’Alpe du Grand Serre). Une fois à la station, la route du Poursollet (D114E) permet de relier le départ de la randonnée.
Attention, la route du Poursollet est une route saisonnière, fermée à la circulation au plus tard le 31 décembre de chaque année. Ensuite, ses 9 kilomètres se transforment en piste de ski de fond. Si elle est déjà fermée, mieux vaut démarrer la randonnée depuis le village d’Oulle et accéder au plateau des lacs via son versant Sud-Sud-Est.
Pour ce qui est des transports en commun, il est possible d’accéder à La Morte en bus depuis Grenoble via la ligne Transaltitude en hiver et via la ligne régulière de Car Région T93 pour le reste de l’année. En train, les gares les plus proches sont celles de Grenoble et de Jarrie-Vizille. Ensuite, il faudra compter sur le stop, le covoiturage ou la marche pour atteindre le lac du
Poursollet.
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