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Dans une interview réalisée à l’occasion de notre troisième volume papier – et désormais publiée en ligne -, le chef argentin Francis Mallmann évoquait sa fascination pour le plus indomptable des éléments. La photographe Laura Austin, dont les images habillent cette interview, retrace avec émotion les quelques jours qu’elle a passés, coupée du monde, sur la petite île du chef, en Patagonie Argentine. Une aventure également publiée dans Les Others Magazine Volume III.
Pour commencer, sachez que quels que soient les mots que j’aurai choisis pour raconter cette histoire, ils n’auront pas fait honneur au voyage que j’ai vécu. Espérons que les images qui l’accompagnent en soient de meilleurs témoins.
C’est après avoir découvert un documentaire sur son travail sur la plateforme Netflix que j’ai contacté Francis. Un simple commentaire Instagram lui disant à quel point ce serait un rêve pour moi de venir en Patagonie réaliser un sujet sur lui, son équipe, et sur la région en général.
À ma grande surprise, il me répondit presque instantanément qu’il appréciait mes photos et que je n’avais qu’à lui envoyer un mail pour lui expliquer mon projet. Une poignée de mois plus tard, j’étais dans un avion pour Buenos Aires, d’où j’allais rejoindre “La Isla”, une toute petite île privée dans les profondeurs de la Patagonie. Francis Mallmann m’avait ouvert ses portes.
Après une journée passée à Buenos Aires et un repas délicieux dégusté au Patagonia Sur, le restaurant de Francis, j’ai entamé la longue route vers l’île… Un vol de deux heures pour Bariloche, six heures de voiture et pour finir, une bonne heure de bateau dans un froid polaire. S’en sont suivis dix jours de pure magie sur cette somptueuse île enneigée dont on peut faire le tour en moins d’une heure.
Tous les matins, je me réveillais avant que le soleil n’atteigne l’horizon au son du travail déjà assidument entamé par la brigade, dans la petite cabane qui nous servait d’abri. Démarrer les feux, préparer le petit-déjeuner… Le doux parfum d’une cuisson en route toujours présent. L’odeur de la fumée devenue si familière qu’elle disparaît dans le néant, comme cessant d’exister.
Leurs méthodes de cuisson, presque primitives, impliquent de disposer les aliments sur de grands feux ouverts pendant de longues heures. Une expérience incroyable à partager, à la fois pour ceux qui préparent le repas et pour les témoins de la scène. Au moment de passer à table, quelques heures plus tard, le plat a alors une saveur tout à fait particulière.
“La Isla” est probablement l’endroit de la planète le plus reculé qu’il m’aura été donné de visiter. Encerclé par ce magnifique lac, vous êtes au beau milieu de nulle part. Et c’est à ce moment-là, quand votre couverture réseau passe au niveau zéro et que vos appareils électroniques se déconnectent un à un, que vous réalisez : votre cerveau peut enfin prendre le relai. Vient alors le temps des lectures, de l’écriture, des coups de main à droite et à gauche et des conversations enflammées.
Il me semble que je n’avais jamais observé la véritable obscurité avant de venir sur l’île. Lorsque le temps est nuageux et que vous examinez la nuit depuis le ponton, impossible de faire la différence entre le ciel et la terre. Sans les lumières et les sons qui se trouvent au loin, vous auriez l’impression de flotter dans l’espace. Après quelques journées passées sur l’île, vous tombez littéralement sous sa coupe. Désinhibition, absence de jugement, abrogation des règles : vous êtes enfin libre d’être vous-même.
Chaque plat préparé aura été plus époustouflant que le précédent. Il est d’ailleurs très difficile de réaliser que vous êtes au beau milieu de nulle part quand les mets qui vous sont présentés sont dignes des plus grandes tables internationales. Parmi tous, un repas aura tout de même réussi à se démarquer. Ce jour-là, nous avions pris de petits bateaux accostés sur la rive, traversé le lac puis marché trente minutes pour rejoindre un plus petit lac, gelé cette fois-ci et surplombé par une maison que Carlos, le frère de Francis, avait bâti de ses mains.
Sur la glace, nous avions alors installé une belle table, des bancs amenés jusqu’ici dans les bateaux et tous les ingrédients nécessaires à l’organisation d’une grande fête. Au menu : pommes de terres, chorizo, steaks et salades en tout genre, cuisinés directement sur place à l’aide de foyers aménagés.
Quand le dessert arriva en fin de repas et alors que je pensais déjà avoir touché au miracle, de gros flocons de neige se sont mis à tomber. Je crois pouvoir dire que je ne revivrai jamais une expérience culinaire d’une telle intensité.
Il y aurait encore tellement à dire sur ce voyage. De la nourriture aux décors fabuleux en passant par les rencontres faites et les expériences vécues. Si je devais n’en retenir qu’une leçon, ce serait celle-ci : ne ratez jamais une occasion de faire un pas vers les personnes qui vous inspirent. Vous pourriez n’avoir aucune réponse, bien sûr, mais qui sait… Vous pourriez aussi vivre une expérience incroyable.
Depuis lors, j’ai continué à travailler avec Francis en Uruguay, puis à Miami, et je suis heureuse de pouvoir aujourd’hui le considérer comme mon ami. Tout cela, grâce à un simple commentaire sur Instagram.
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