Récit d’un week-end sans feuille de route à bord de notre refuge mobile.
Story extraite de Les Others Magazine Volume II : The Hidden Issue.
[dropcap]A[/dropcap]vant tout, c’était un week-end entre copains. De ceux que l’on ne prévoit qu’à moitié, en oubliant sa brosse à dents et en emportant des chaussures en toile, humides du départ à l’arrivée. De ceux qui laissent une odeur de feu de bois sur nos vêtements et où la panne est inévitable, notre attention étant bien plus portée sur les histoires enthousiastes du conducteur que sur le niveau d’essence. Une seule certitude, nous voulions gravir à nouveau les volcans d’Auvergne, délaissés depuis les sorties scolaires de notre enfance.
C’était sans compter sur la rencontre, une semaine avant le départ, d’un jeune homme à la voix portante. Du genre capable de raconter des histoires d’une heure, debout sur une table de bar, à une assemblée attentive et hilare. Ce jour-là, son récit concernait le pays de son enfance, où il avait grandi et qu’il avait regretté, finalement, de devoir quitter : Les Vosges. Après avoir longuement détaillé comment il s’était ouvert la jambe avec le pédalier de son vélo sur le retour de la boulangerie la veille de ses 8 ans, il énumérait les caractéristiques qui faisaient de son “petit Canada”, comme il ne cessait de l’appeler, un endroit merveilleux : de denses forêts peuplées des plus hauts épicéas d’Europe, de nombreux lacs plus majestueux les uns que les autres et des vallées préservées où les vaches ruminent en paix.
Si le patriotisme régional n’offre en général que peu d’informations valables du fait de sa faible objectivité, ce mec nous avait convaincus. D’autant plus qu’aucun de nous n’avait jamais mis les pieds là-bas. Notre week-end venait de changer brusquement avec notre itinéraire, et il devenait nettement plus intéressant. L’inconnu se présentait à nous sous plusieurs formes. D’abord, nous allions découvrir un endroit que nous ne connaissions pas, mais aussi et surtout, le voyage initialement prévu allait laisser place aux aléas, à la douce incertitude d’un futur proche où tout peut arriver.
Après avoir rempli le coffre de provisions pour trois jours et entré le nom de notre destination dans le GPS, les dés étaient jetés. Notre avenir ne nous appartenait plus et, par définition, nous n’avions plus besoin de nous en préoccuper. Tranquillement, nous nous laissions guider par la douce voix féminine s’échappant du tableau de bord, à travers les routes qui serpentent dans les montagnes brumeuses et enlacent les épaisses forêts de sapins. Ces dernières présentent d’ailleurs une particularité remarquable, celle de ne laisser passer aucun signal, forçant la déconnexion complète pour le plus grand bien de tous. Nous sommes arrivés de nuit au lac de Longemer et, après en avoir fait le tour complet, nous avons emprunté un chemin de terre nous invitant à nous installer à l’abri du monde, au plus profond des bois.
Au petit matin, avant que le soleil ne pointe l’once d’un rayon, le calme de la forêt se mue progressivement en une symphonie galopante. Ses habitants s’éveillent, sifflent et chantent en cœur, telle une formation orchestrale aux 1000 instruments qu’il serait impossible d’identifier. On enfile un gros pull, avale une tasse de café fumant attrapée sur le réchaud, et nous voilà repartis. Pendant les deux jours suivants, nous n’avons vécu qu’en fonction de nos besoins les plus primaires. Une balade le long d’un ruisseau, un campement sommaire, quelques bières qui s’entrechoquent et les côtes de porc d’un petit producteur régional qui grillent sur un feu de bois. C’était ça, notre définition du “cool camping”. Une aventure simple, franche et sincère, dans laquelle on saute à pieds joints.
“Le bonheur est parfois caché dans l’inconnu” disait Victor Hugo. Pourquoi ne pas aller à sa rencontre ? Pourquoi ne pas céder à l’ivresse du hasard plus souvent ? Pourquoi vivre de la plus simple des manières nous propulse-t-il au dessus de tout ? Les moments les plus éphémères sont-ils nécessairement les plus forts ? Autant de questions qui restaient pour le moment en suspens. Nous avons repris la route en silence, comme pour profiter d’un dernier moment de réflexion. “Vous êtes arrivés”. Le GPS, lui, nous ramenait brutalement à la réalité.
Photos : Mathieu Maury
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