Je viens d’achever Dans la forêt de Jean Hegland et je peux vous assurer que la fin est poignante. Le genre de fin qui donne envie de lire le début, le milieu et la page 84. À vrai dire, on pourrait lire ce roman comme un livre dont vous êtes le héros. Chaque paragraphe suscite son lot d’émotions, de petits secrets et de souvenirs délicats. On se délecte de chacune des pensées d’une héroïne sous le coup d’un retour à l’essentiel éprouvant et inéluctable.
Le téléphone ne sonne plus, l’essence cesse de jaillir des stations-service et les rayonnages des magasins sont vides telles des âmes esseulées. Tout fout le camp et pendant ce temps, deux jeunes sœurs se retrouvent seules, face à cette forêt qui semble recouvrir toute la surface de la terre plongeant la civilisation dans la vulnérabilité et le chaos. Il n’est plus question pour elles de gaspiller les dernières gouttes de carburant, il faudra faire des provisions, survivre et s’occuper à vivre. L’une passera ses journées à suivre méthodiquement ses exercices de danse tandis que l’autre lira sans relâche, quitte à éplucher l’encyclopédie, lettre par lettre.
L’encyclopédie. Ce dinosaure en surpoids de la littérature aujourd’hui éclipsée de nos étagères et utilisée comme cale-porte, serre-livres ou pour rehausser son neveu. Et pourtant, elle sera le guide ultime de survie, l’almanach du désespoir et une véritable bible pour les deux sœurs. Car il y a tout à reconstruire, à ré-apprendre, à comprendre les fondements de l’être humain depuis son arrivée sur Terre. Et dehors, il faudra se défendre, se protéger des hommes, avoir la main verte, tirer au fusil de chasse… Alors, je pense irrémédiablement au livre Le Mur Invisible écrit par Marlen Haushofer où une femme se retrouve piégée au milieu d’une ferme en pleine campagne. Je vous invite à découvrir ce roman si vous êtes aussi fasciné qu’effrayé par la solitude et la nature.
Dans la forêt raconte une histoire de famille mais surtout de femmes qui sont sœurs. Si la seconde lecture se veut d’une certaine manière plus engagée humainement parlant, c’est aussi de cette manière que son adaptation cinématographique a été abordée. En regardant le film de Patricia Rozema avec Ellen Page en rôle principal, on assiste à une oeuvre portée par la relation sororale particulièrement forte et incestueuse. Une vision post-apocalyptique dans laquelle l’univers des Hommes s’effondre et laisse place à un nouveau monde, sans Adam.
L’écriture de Jean Hegland se veut fluide et accessible. Dans la forêt est un réel plaisir de lecture bien que l’intrigue se dessine essentiellement au travers de souvenirs, d’échanges et d’émotions. On en vient à oublier que c’est la fin du monde. En tout cas, je ne sais pas pour vous mais moi je compte racheter une encyclopédie.
Dans la forêt de Jean Hegland aux éditions Gallmeister.
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