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Ces îles norvégiennes du bout du monde, propices à l’aventure, s’ouvrent progressivement au tourisme. L’équilibre humain-animal s’en trouve bouleversé.
C’est une vaste étendue gelée, aux confins nordiques du continent européen. Un territoire isolé et hostile, fait d’arides paysages de toundra, balayés par un climat polaire. Bref, ce n’est pas l’île Maurice. Et pourtant. Le Svalbard fascine, et attire.
De plus en plus de téméraires aventuriers font route vers cet archipel norvégien. Ils viennent de Norvège, de Suède, mais aussi du reste de l’Europe. Au point que, dans quelques années, le Svalbard pourrait bien devenir le hot spot du tourisme arctique. Pourrait, car un léger obstacle se dresse sur le chemin neigeux de ces touristes de l’extrême : au Svalbard, les ours polaires sont (presque) aussi nombreux que les humains.
L’archipel comptait en 2016 quelque 2 667 habitants, répartis sur deux îles, Spitzberg, et la bien nommée île aux Ours. Voilà pour les humains. Côté Ursus maritimus, de son petit nom latin, les chiffres sont moins précis. Mais les scientifiques estiment que près de 3 000 ours blancs peupleraient la région, dont au moins un millier directement installés sur l’archipel. Autrement dit, les ours sont chez eux au Svalbard. Les rencontres humains-ours y sont d’ailleurs quotidiennes. Les premiers ont appris à éviter les seconds, parce que l’animal est une espèce protégée mais aussi pour ne pas finir en compote.
Cette fragile cohabitation est toutefois en sursis. À mesure que le tourisme se développe, l’équilibre risque en effet de rompre. Au détriment de l’ours.
Il faut dire que le Svalbard a des atouts, d’un point de vue touristique. Exploration de glaciers, expéditions en chiens de traineau, fjords et front de mer ciselé, observation du renard arctique… Le tout, sous un soleil permanent de mai à fin août, et à seulement trois heures de vol d’Oslo, la capitale norvégienne.
Photo © Kitty Terwolbeck
Les amateurs d’aventures ne s’y trompent pas. Le tourisme est en plein essor. L’archipel, fortuitement découvert en 1 596 par l’explorateur hollandais Willen Barents (il cherchait en fait le fameux passage du nord-est), affiche complet : le nombre des nuitées a ainsi bondi de 45% entre 2012 et 2015, passant de 90 000 à 130 000. 66% d’entre elles sont imputables aux vacanciers. Un tiers des emplois du Svalbard sont aujourd’hui liés au tourisme.
Résultat, les rencontres ours-humains se multiplient. Or, lorsqu’une de ces rencontres tourne au vinaigre, c’est toujours au désavantage de l’ours. La légitime défense autorise les humains à abattre l’animal. En moyenne, 1 ou 2 ours étaient abattus chaque année au Svalbard. En 2016, ce sont 4 ours qui ont été éliminés pour raison de sécurité. Le chiffre risque d’augmenter sérieusement les prochaines années.
Une situation qui a alerté jusqu’au directeur général du WWF, Marco Lambertini. Celui-ci a ainsi mis en garde les pouvoirs publics locaux : « Il est important que les autorités de Svalbard revoient régulièrement les mesures qui limitent le nombre d’interactions entre humains et ours polaires, à mesure que celles-ci augmentent ».
Avis aux amateurs, donc : visiter Svalbard, oui, mais pas n’importe comment ! Les autorités locales et associations environnementales ont d’ores et déjà établi un certain nombre de bonnes pratiques, afin que le développement du tourisme sur l’archipel soit le moins invasif et le plus écologique possible.
Outre les recommandations habituelles (ne rien prélever dans la nature, ne laisser aucune trace de son passage, etc.), deux règles simples doivent permettre de maîtriser les contacts homme-animal. Il est d’abord interdit d’attirer, de suivre ou même de partir à la recherche d’ours. L’idée : on en croise un si l’on est chanceux, mais on ne se lance pas dans une chasse à la bête. Ensuite, il est fortement recommandé de choisir l’option collective, via une agence touristique locale. À Svalbard, mieux vaut être accompagné par des pros que voguer en solo.
On conseillera aussi de préférer la contemplation sereine de la rando à l’adrénaline bruyante des motoneiges.
Photos © Kitty Terwolbeck
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