En guise de réveil, Tom Lalanne assiste à l’embrasement des fameuses tours du parc national, mais sa journée au abord des Torres del Paine est loin d’être finie.
6h45 du matin dans le parc national « Torres del Paine », au cœur de la Patagonie chilienne. Malgré mon duvet en plume, j’ai eu froid cette nuit dans ma tente, les températures en dessous de zéro et les attaques incessantes des souris ne m’ont pas laissé beaucoup de répit pour dormir. La seule eau disponible étant la rivière, je ne peux compter sur une douche pour me réveiller. Il faut que je m’habille et que je commence à marcher, ça va me réchauffer.
J’entame alors une heure d’ascension pour atteindre les fameuses « Torres » (tours) pour le lever du soleil. Je me revivifie peu à peu, l’obscurité ne facilite pas ma progression mais l’excitation est trop grande pour rebrousser chemin.
En haut, c’est comme un cinéma en plein air, les quelques personnes qui se sont jointes à l’expédition sont assises en petits groupes face aux trois tours de pierre qui d’un instant à l’autre vont s’embraser. Lorsque enfin les premiers rayons de soleil enflamment l’extrémité des Torres del Paine, seul le vent éraflant mon visage et mes mains se fait entendre. Le soleil grandissant, il brûle maintenant les trois roches de leur extrémité jusque leur base, pour enfin éclairer en contre bas la lagune qui reflète l’ensemble du spectacle. C’est magnifique !
Le film touche à sa fin, il faut redescendre, Thomas et Amina doivent m’attendre. Eux, voyageant en Amérique du sud et moi vivant à Buenos Aires, nous avions décidé de nous retrouver dans le sud de l’Argentine et du Chili pour une dizaine de jours.
De retour au campement, mes compagnons se réveillent à peine, il faut replier les tentes et lever le camp. Une tasse de café et une tartine de dulce de leche (confiture de lait typique Argentine) plus tard, nous voilà partis pour une longue journée de marche.
Il est midi lorsque nous atteignons la lagune « azul » que nous allons longer jusqu’à la fin du trekking. Le soleil au zénith, nous profitons enfin d’un peu de chaleur, les pulls et les manteaux sont rangés dans les sacs. Nous décidons d’en profiter pour déjeuner au bord de l’eau.
Le manque d’hygiène, le froid et les carences en sommeil donnent un aspect liturgique aux pauses alimentaires. Assis en cercle, les tranches de pain sont distribuées avec délicatesse pour ne pas en perdre une miette, le thon déposé craintivement comme si c’était la dernière ration, et enfin, la mayonnaise, répartie avec grâce et précision de sorte que chaque bouchée en ait la saveur.
En plein orgasme alimentaire, les steppes de Patagonie se dessinent devant nous sur un fond de cordillères des Andes, j’ai rarement vu un paysage aussi parfait.
Malgré la fatigue, il faut reprendre la route, le campement « Italiano » que nous voulons rejoindre se trouve à 7h de marche de là où nous sommes.
Le sentier rasant l’eau bleue de la lagune est sinueux et jonché de cailloux, nous devons parfois passer des rivières, dansant sur les pierres pour éviter l’eau. Des ponts en bois, similaires à ceux que l’on peut voir dans la saga Indiana Jones sont édifiés là où la nature reprend le dessus et ne permet plus le passage a pieds.
Il est 19h quand nous arrivons à un premier campement. L’endroit fait également office de refuge pour les plus chanceux, des chalets de bois sont disposés sur le flanc de la montagne, la vue doit être incroyable au petit matin. L’idée de passer la nuit pour profiter des douches chaudes du refuge ne nous laisse pas indifférents, les sacs de 15kg chargés sur le dos sont à chaque pas plus pénibles, l’épuisement et les douleurs corporelles sont de plus en plus insupportables. « Si t’étais pas avec nous j’aurais fait une crise à Thomas pour qu’on reste ! », me dit Amina sans perdre son sourire habituel mais qui voulait bien dire « j’en peux plus faut vraiment qu’on s’arrête».
Le lieu de rendez-vous pour prendre le bateau du retour le lendemain se trouvait encore à 5h de marche et il fallait y être avant midi. Amina résignée, nous continuons pour ne pas avoir trop de distance à parcourir le dernier jour.
Nous repartons donc sous le soleil couchant à travers les Andes pour atteindre le si désiré campement « italiano ». Il nous reste cependant un dernier obstacle à passer, et pas des moindres après ce que l’on avait déjà traversé, une ascension de plus 100 mètres de dénivelée. Amina en bout de course nous fait sentir à mi hauteur qu’elle n’y arrivera pas, Thomas la réconforte tant bien que mal et parvient à la motiver pour un dernier effort. À cet instant, on ne dit rien mais on ne fait pas les fiers, on est vraiment au bout du rouleau.
C’est finalement à 21h30 que nous sommes arrivés au bivouac, dans l’obscurité la plus totale. Les bouteilles de fernet (alcool italien très répandu en Argentine) et de Coca-Cola qui nous avaient alourdis toute la journée nous aident maintenant à résister au froid. Grelottants autour d’un verre et d’un plat de pâtes, on se remémore la journée près des Torres del Paine qui malgré toutes nos difficultés, reste une des plus belles du voyage.
Tom Lalanne
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