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Depuis quelques années, The Critical Slide Society souffle un vent d’authenticité sur le monde du surfwear avec pour devise : « less about the winner’s podium and more about the simple joy of a deeply engaged surfing life ». Une histoire d’amitié et de passion qu’un des fondateurs de la marque, Sam Coombs, a accepté de nous raconter lors d’un entretien publié dans notre quatrième volume papier, The Collective Issue.
Fondée en 2009 par les surfeurs Jim Mitchell et Sam Coombes dans un paisible village de la côte est australienne, The Critical Slide Society est aujourd’hui considérée comme l’une des marques de surfwear les plus prometteuses de l’industrie. Les racines bien ancrées dans la culture du swell, l’entreprise vise à rassembler des personnalités de tous horizons qui partagent des intérêts communs, et ainsi développer une communauté soudée d’amoureux de surf et d’art venus des quatre coins de la planète.
Entre salons, lancements produits, surf trips et production audiovisuelle, nous avons rencontré Sam pour aborder avec lui le plaisir de travailler entre amis et de s’associer avec des artistes, des surfeurs et des réalisateurs au quotidien. « On essaie de travailler avec des personnes authentiques et expertes dans leur domaine, tout simplement parce qu’on aime ça. Si le résultat est authentique alors on a réussi notre coup. »
Salut Sam, tu peux nous en dire plus sur ton parcours ?
J’ai grandi à Sydney, sur la rive Nord. Je descendais tous les week-ends à Northern Beaches. En bus ou en voiture, peu importe, je trouvais toujours un moyen. Après les cours, je passais tout mon temps chez Peter Daniel Surf, le surf shop du coin, à baver devant les derniers arrivages. Ça, c’était pendant les années 80, quand Mambo, Billabong, Quiksilver, OP et Hot Tuna étaient tendance, et que tout le monde collait des stickers Oakley Thermonuclear Protection à l’arrière de sa bagnole. J’ai ensuite commencé des études de communication visuelle à la fac, puis j’ai contacté Mambo pour y faire un stage. Pendant 3-4 mois, j’ai appelé tous les vendredis et demandé à parler à Jonas Allen, leur directeur artistique de l’époque. La plupart du temps, je laissais un message à sa réceptionniste, mais quand je réussissais enfin à l’avoir, il n’avait rien à me proposer. Il a fini par accepter de jeter un œil à mon portfolio. J’ai commencé la semaine suivante et on m’a rapidement offert un boulot à mi-temps, puis à plein temps.
Je suis resté chez Mambo environ quatre ans, de 2000 à 2004, avant de changer un peu d’orientation pour me tourner vers des fonctions plus marketing. J’ai bossé pour MTV un peu partout, pour finir directeur marketing et communication de l’entité australo-néo-zélandaise. En parallèle, j’ai commencé à travailler sur TCSS le week-end avec Jim Mitchell, que j’avais rencontré chez Mambo. Pendant deux ans, j’ai passé tous mes vendredis après-midi chez lui, sur la côte centrale de Nouvelle-Galles du Sud (à environ une heure et demie de route de Sydney). On bossait tout le week-end et je rentrais à Sydney le dimanche soir pour reprendre mon job le lundi. En 2011, j’ai décidé de me consacrer totalement au projet. Ces cinq dernières années, on a réussi à atteindre de nouveaux marchés, à développer de nouvelles catégories de produits et à lancer pas mal de trucs chouettes. J’habite désormais à Eastern Beaches, à Sydney. Nos bureaux sont à Surry Hills, un quartier où le surf n’est pas très présent, d’où l’ironie derrière “Surry Hills Surf Club”.
Comment définirais-tu ta relation avec le surf et l’océan ?
L’océan est le seul endroit qui me permette de faire une pause dans mon quotidien, de prendre vraiment du bon temps. Il a toujours été là et occupe une place très importante dans ma vie. En grandissant à Sydney, on n’est jamais très loin de la côte. J’ai commencé à surfer assez tard, vers 16 ans. Avant cela, je faisais du bodyboard, comme beaucoup de gamins dans les années 80, début 90. Donc oui, on peut dire que j’aime le surf et l’univers qui l’entoure, même si je ne suis pas un super surfeur. Jim, lui, en est un, et un très bon !
Des valeurs authentiques et une passion commune pour le surf. C’est souvent avec ces mots qu’on vous décrit dans les médias. Que penses-tu de cette définition de votre collectif ?
La marque est toujours indépendante, et détenue à 100% par ses fondateurs, Jim et moi. Nous sommes impliqués dans le business au quotidien. On essaye de travailler avec des personnes authentiques et expertes dans leur domaine, tout simplement parce qu’on aime ça. Si le résultat est authentique, alors on a réussi notre coup. Mais tout le monde n’a pas la même définition de l’authenticité. Certains vont fabriquer leurs shorts de bain à la main, dans leur garage. Ce n’est pas notre cas, même si nous prenons soin de concevoir chaque short individuellement. Soit on crée l’imprimé, soit on travaille sur la conception avec des gens qui nous ressemblent. On aime ce qu’on fait et on le fait par passion. C’est ça que j’appelle l’authenticité.
Un boulot de passionné, en compagnie de ses potes, c’est donc ça le secret ?
C’est génial de travailler avec ses amis. On a des références communes, on se comprend parfaitement, tout est plus simple. On a souvent posté les annonces de jobs, mais 90% du temps, on finit par embaucher quelqu’un qui nous a été recommandé par un proche. Ce sont des gens avec qui tu as envie de traîner, et heureusement car tu finis par passer plus de temps avec eux qu’avec tes autres potes ou même ta vraie famille.
TCSS travaille avec des réalisateurs, des photographes et des surfeurs des quatre coins du monde, du surfeur de Santa Cruz Reilly Stone à l’artisan australien Thomas Bexon. Comme une liste VIP de ces « professionnels de l’océan » qu’on ne présente plus. Comment définirais-tu votre communauté ?
C’est un groupe de passionnés de l’océan, et de surf plus particulièrement. Cette industrie est en réalité assez petite. Des sportifs comme CJ Nelson, Mick Rodgers, Kai Ellie-Flint et des artistes tels que Nathan Oldfield ou mon partenaire Jim Mitchell sont tous des gars qui repoussent les limites du surf. C’est ça qui nous rassemble. Notre communauté est basée sur le partage. Tu peux réunir tous ces mecs sur un shooting, ils vont forcément bien s’entendre, passer un bon moment et échanger sur leurs intérêts communs. La face cachée du surf, en quelque sorte. Certains appellent ça le “Surf Alternatif”.
De quelle manière TCSS célèbre-t-il ce mouvement alternatif au sein de la culture surf ?
Je pense que cela tient encore aujourd’hui aux fondations d’origine de l’entreprise : imaginer une plateforme pour construire les bases d’un mouvement mais aussi et surtout pour communiquer autour de lui. Nos canaux de communication – Instagram, notre site Internet et notre blog, parmi d’autres – sont des moyens de promotion. Chacune des personnes qui composent notre équipe est un messager. Les produits que nous distribuons, de leur côté, permettent aux gens de découvrir une nouvelle facette de la culture surf et de s’y associer. On organise également un paquet d’évènements qui ont pour but de réunir tous les amoureux de cette culture, et de leur permettre de passer du bon temps ensemble, du festival Wheels and Waves, en France, à A Trip to The Moon que nous avons récemment organisé chez nous à Sydney.
En effet, vous êtes constamment à l’étranger. Peux-tu nous en dire plus sur tes déplacements et tes surf trips ?
On a un emploi du temps annuel assez standardisé, du Greenroom Festival au Japon au Wheels and Waves à Biarritz en France, en passant par le Noosa Festival en Australie. On organise aussi plusieurs déplacements à l’international pour rencontrer nos partenaires, des distributeurs ou des agents. C’est également important de se rendre à des salons professionnels, à des lancements, etc. 80% du temps, quelqu’un du bureau est en voyage à l’étranger. Sans compter les déplacement liés à la production, qui représentent une toute autre partie du business.
Jusqu’à présent, quelle est ta destination préférée ?
J’adore Hawaï. On y est allés trois fois ces deux dernières années. On travaille avec un super agent là-bas. Il s’occupe bien de nous, nous cuisine de super plats. On surfe et on passe de sacrés bons moments. C’est un lieu incroyablement beau, où j’ai d’ailleurs demandé ma femme en mariage, et qui m’a offert de superbes souvenirs avec mon fils de trois ans.
As-tu un souvenir de voyage à partager avec nous ?
Le Japon, c’est dingue à chaque fois. L’équipe là-bas est tout simplement impressionnante. Ils bossent tous de 10 heures du matin à 10 heures du soir. Ils vont ensuite dîner et boire des coups jusqu’à 3 ou 4 heures du matin, dorment quelques heures et s’y remettent le lendemain. Donc quand on est là-bas, on se laisse porter par ce rythme. Quand je rentre chez moi, j’ai en général besoin d’une semaine pour me remettre d’aplomb.
Sinon, cette année, notre dernier voyage en France pour le Wheels and Waves était plutôt cool aussi. On voulait lancer un événement spécial TCSS, sans savoir qui allait se pointer. On pensait rassembler seulement 10 ou 12 surfeurs. Finalement on s’est retrouvés avec un groupe incroyable de surfeurs et l’événement a été mémorable. Certes, il a été légèrement chamboulé par le temps et finalement limité à trois heures, à cause des changements de marée. Les mecs en compétition ont dû faire pas mal de pauses à l’école de surf, à cause des vagues un peu lamentables ce jour-là. Mais ce sont de supers souvenirs et c’est à ça que devraient ressembler tous les événements TCSS.
Et à part l’événement, tu n’as pas une anecdote à nous raconter sur ton séjour en France ?
L’année dernière, en repartant vers l’Australie, alors que l’avion était en plein milieu de l’océan, un gars a foutu un coup de poing à un passager avant d’essayer d’ouvrir la porte arrière de l’appareil. Quatre mecs du staff se sont jetés sur lui, l’ont plaqué au sol et l’ont ligoté avec des câbles au fond de l’avion. Bref, pas très drôle. La police s’est pointée quand on a atterri et l’histoire a fait le tour des infos le lendemain. Pas si épique.
Qu’est-ce que tu penses de la culture surf française ?
Avant, quand tu pensais à la culture surf française, tu avais Quiksilver, Kelly Slater et Hossegor en tête. Mais c’est en train de changer. Il y a des boutiques intéressantes, des marques locales et internationales qui font du bruit. Les mecs surfent des longboards, des twinnies (planches à deux dérives) et des planches de toutes autres formes. Même ces 18 derniers mois, depuis notre premier voyage, ça a beaucoup bougé. Ça devient plus éclectique.
De quoi es-tu le plus fier, Sam ?
On a gagné le prix du “meilleur short de bain” deux fois de suite. C’était assez spécial pour toute l’équipe. Je suis aussi très fier quand j’arrive dans le studio et que je regarde autour de moi. Un tas de gens travaillent dur sur ce qui n’était, il y a quelques années, rien qu’une idée. Juste un blog ou un article. Donc c’est plutôt cool qu’ils aient cru en notre idée, notre concept, notre entreprise. Je suis très fier de ça et serai éternellement reconnaissant qu’ils aient choisi de consacrer leur temps à la construction de ce projet. Contre un peu d’argent bien sûr (rires).
Une dernière note d’inspiration ?
Pendant notre voyage au Japon l’année dernière, je me suis installé dans un café à Harajuku, pour déjeuner et me plonger dans mes emails. Puis j’ai entendu une voix, un accent du Sud de la Californie. J’ai levé la tête et j’ai vu un gars de dos, avec ses cheveux poivre et sel. Et je me suis dit “Oh merde, c’est Shawn Stussy” (fondateur de la marque éponyme Stüssy). Plutôt que de laisser l’opportunité passer, je suis allé me présenter. On a fini par s’asseoir et déjeuner ensemble pendant une grosse demi-heure. Shawn est l’une des raisons pour lesquelles j’évolue dans cette industrie. C’est une grande source d’inspiration depuis que je suis ado : son sens de l’humour, sa sensibilité graphique et son image de marque… Tant de raisons qui ont forgé avec le temps mon immense admiration. Il se trouve qu’il connaissait TCSS et était super enthousiaste au sujet de la marque. Que demander de plus ?
Propos recueillis par Elisa Routa
Photos par Rambo Estrada, Hunter Thomson et Jereme Aubertin
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