Grimper, encore grimper. Le souffle court, les yeux rivés sur les crampons, le blanc de la neige, le bleu du ciel. Et puis, ça y est. Le sommet. Vous soufflez. Un panorama dont vous aviez à peine rêvé s’étend devant vous. Vous l’avez fait.
Depuis des siècles, l’Homme se presse pour poser le pied sur les plus hauts sommets du monde… Quoi de plus satisfaisant pour nos esprits conquérants ? L’ascension d’un 8 000 mètres nécessite certes une logistique colossale et un profil physique singulier, mais l’alpinisme est une pratique plus accessible qu’elle n’y paraît.
Si, comme nous cette année avec la Barre des Écrins ou les Aiguilles Marbrées, vous êtes motivés pour passer au niveau au-dessus de la randonnée et découvrir cet environnement exceptionnel que sont les hauts sommets, l’esprit de cordée et l’ambiance des refuges, voici une sélection de six courses et tous nos conseils pour débuter l’alpinisme dans les Alpes et les Pyrénées.
La montagne est vivante, elle bouge et évolue à cause du changement climatique. Une course considérée comme « facile » dans les années 80, ne l’est plus forcément aujourd’hui (recul des glaciers, nouvelles crevasses, exposition aux chutes de sérac…).
Ainsi, pour chacune des courses décrites plus bas, demandez l’avis d’un ou d’une guide avant de vous lancer. Ecoutez leurs avis et laissez-vous orienter vers la course qu’iel juge la plus adaptée pour débuter l’alpinisme. Bonne lecture !
Revenons quelques siècles en arrière. Dès le XVIIème siècle, la vue du mont Blanc depuis Chamonix intrigue. Mais, en l’absence de carte, la conquête de la montagne maudite reste discrètement réservée aux chasseurs de chamois et de cristaux. Doucement, la vallée est cartographiée, les sommets, un à un, nommés. La montagne maudite, devenue mont Blanc, est parcourue par des scientifiques intrigués avant d’être officiellement domptée le 8 août 1786 par Michel Paccard et Jacques Balmat, deux Chamoniards médecin et chasseur (de chamois et de cristaux, toujours). Ils ouvrent la voie au développement de l’alpinisme en tant que pratique à part entière.
La nouvelle discipline fascine les hautes classes du XIXème siècle. Tandis que missionnaires et militaires sillonnent l’Afrique et l’Asie en quête de nouvelles régions à coloniser, des explorateurs d’un autre genre partent à la conquête des dernières terras incognitas d’Europe. Le Grand tour, ce voyage initiatique à travers le continent prisé des jeunes aristocrates européens, les mène fréquemment dans les Alpes et les Pyrénées, à l’assaut des sommets de plus en plus convoités.
Au XXème siècle, avec le développement du tourisme, l’alpinisme sort de ses vallées originelles et se diffuse. Le Népal, le Tibet et leurs 8 000 mètres sont le nouveau graal. Le peuple Sherpa, groupe ethnique tibétain, devient un nom commun pour désigner les porteurs, si indispensables à ces nouvelles expéditions orientales. Le succès médiatique de la mythique cordée française menée par Maurice Herzog sur l’Annapurna en 1950 met en lumière l’himalayisme. Des pratiquants motivés (et fortunés) cherchent à atteindre des sommets de plus de 8 000 mètres, à l’aide de techniques spécifiques et de très lourdes logistiques.
Les quatorze sommets de plus de 8 000 mètres sont tour à tour gravis dans les années 1950 et 1960. À leurs côtés, les Sept sommets, dont la liste controversée regroupe les montagnes les plus élevées des sept continents. Du Denali à l’Everest, en passant par l’Aconcagua, l’Elbrouz ou le Kilimandjaro, ces cimes légendaires font office de nouveau Grand Tour des coureurs d’altitude. Accompagnant cette globalisation de l’alpinisme, l’anglicisme « summiter » désigne ces collectionneurs de sommets dont le cliché final permet, en plus d’immortaliser ce moment exceptionnel, de valider une ascension et déceler les éventuelles tricheries…
En Europe, la pratique alpine, longtemps confidentielle se transmet peu à peu grâce aux guides de haute-montagne, à un accès facilité aux massifs et à une littérature de plus en plus abondante. Les premières ascensions s’enchaînent, variant les versants, les voies, les méthodes et les saisons. Les alpinistes développent leur équipement de manière artisanale et inspirent les équipementiers, qui vont démocratiser un matériel toujours plus performant, léger et solide, ouvrant la voie à un public de plus en plus large.
La pratique de l’alpinisme et de l’himalayisme s’est ainsi développée, mais non sans vice : les déchets abandonnés ou la précarité sociale des porteurs sont des questions qui ne peuvent être éclipsées. Que vous débutiez l’alpinisme ou pratiquiez depuis des années, nous comptons donc sur vous pour le faire dans le plus grand respect de la montagne et de ses habitants.
Si certaines agences sont prêtes, moyennant finance, à vous proposer des ascensions à plus de 8000 mètres avec un entraînement minime, nous ne pouvons que vous conseiller de vous en détourner et de commencer par un sommet peu élevé.
Les sommets listés dans ce guide prennent en compte la nécessité d’apprentissage des techniques et le développement de vos capacités physiques, tout en limitant l’aspect logistique des ascensions plus lointaines. Les effets de l’altitude, par exemple, ne doivent pas être négligés. Ils sont une difficulté en plus à gérer lors d’ascensions prolongées à plus de 3 000 mètres et responsables de nombreux accidents. Afin de s’en prévenir, il est sage de prévoir plusieurs jours d’acclimatation en altitude.
Le guide sera un véritable atout pour vos premières ascensions. Au-delà de ses conseils et de l’accompagnement, il est votre seconde corde de sécurité. En France, les guides de haute-montagne, triés sur le volet, suivent une formation exigeante de plusieurs années. Ils sont détenteurs du « Diplôme d’Etat d’alpinisme-guide de haute montagne » délivré par l’ENSA. À l’issue de son obtention, leurs capacités d’adaptation et leur entraînement atteignent un niveau d’expertise qui leur permet d’encadrer des pratiquants dans des ascensions et des expéditions, quels que soit leurs expériences.
Pour un débutant, le guide aura une véritable fonction de formateur, dans la plus pure tradition de transmission de l’alpinisme. Cependant, gardez toujours en tête que la montagne est reine et qu’aucun guide ne pourra vous promettre de vous amener « là où vos yeux ont un jour regardé » (c’est joli, ce n’est pas de nous, mais de Gaston Rébuffat). En fonction de la météo, de votre condition physique ou de votre technique, il pourra être amené à adapter l’itinéraire prévu ou à annuler l’ascension. Faites lui confiance, n’hésitez pas à discuter avec lui au préalable d’un plan B et soyez conscients que votre sécurité comme la sienne doit toujours passer en premier.
Pour être encadré lors de votre apprentissage, plusieurs possibilités s’offrent à vous. Parmi les moins onéreuses, les stages au CAF ou à l’UCPA vous permettrons de vous initier à l’alpinisme en toute sécurité et en groupe. Si vous désirez avoir recours à un guide indépendant, le plus simple est de contacter le « Bureau des guides » de la ville la plus proche de votre objectif. Pour chaque sommet, nous vous conseillons ici un guide reconnu par ses pairs.
En tant que débutant, la majeure partie de l’équipement listé ici pourra vous être louée par votre guide. Discutez avec lui avant d’effectuer des achats supplémentaires à vos tenues habituelles de randonnée en montagne.
Si vous débutez et que vous n’êtes pas certains de vouloir enchaîner les sommets ou que vous cherchez encore le modèle le plus adapté, la location est toute indiquée. Si vous ne passez pas par une location de matériel ou un guide, il est important d’acheter neuf certains équipements :
En revanche, vous pouvez facilement vous procurer d’occasion le reste de l’équipement dans des magasins et sites de vente spécialisés :
En plus de ce matériel spécifique, il vous faudra être équipé des vêtements classiques pour randonner par tous les temps:
Si vous désirez vous équiper pour de bon, ne négligez pas les groupes Facebook de revente entre particuliers (il y en a souvent un par département) ou les sites et les commerces locaux de vente de matériel d’occasion ou de fin de série :
En alpinisme on parle de course et non de randonnée. Cependant, « rien ne sert de courir », la préparation physique et mentale sont indispensables à la réussite de vos ascensions.
Une pratique régulière de l’escalade et de la randonnée vous aideront, autant pour la forme physique que pour les connaissances techniques qu’elles nécessitent. Si vous habitez loin des montagnes, à vous les salles de grimpe, les longues marches et toutes les types de dénivelé que vous pourrez trouver, même les escaliers ! Vous trouverez aussi sur internet des programmes d’entraînement et de musculation pour des ascensions spécifiques dont vous pourrez vous inspirer.
Si vous en avez l’occasion, une préparation avec un apprentissage des techniques spécifiques comme l’utilisation des piolets, des crampons ou des cordes est un véritable atout. Certains clubs d’escalade en proposent, renseignez-vous, et n’hésitez pas à vous documenter et à échanger avec des grimpeurs expérimentés.
Question mental, il vous faudra connaître vos réactions en situation de stress pour pouvoir les gérer au mieux. Avoir pratiqué des sports comme l’escalade ou la via ferrata vous permettra d’évaluer votre comportement face au vide. De bonnes recherches à propos de votre futur itinéraire et des difficultés auxquelles vous serez confronté vous aidera à les surmonter plus sereinement le moment venu. Enfin, soyez aussi prêts à savoir renoncer si la situation devait se présenter.
S’il faut compter dans les 70 000 euros pour atteindre le toit du monde, vous pourrez pratiquer l’alpinisme pour des budgets beaucoup plus classiques en Europe.
Votre budget tiendra compte de plusieurs postes :
Vous êtes prêts ? Il ne vous reste plus qu’à choisir vers quel sommet vous élancer !
Notes :
Sommaire :
Les six sommets des Dômes du Miage s’étalent sur 3 kilomètres de crêtes dans un environnement sauvage, dominant la vallée de l’Arve. Cette ligne de crêtes est considérée comme une des plus emblématiques du massif. Elle attire alpinistes confirmés et débutants depuis l’ascension en 1858 du peintre britannique Edmund Thomas Coleman, accompagné de Joseph Jacquemont et Frédéric Mollard. L’arête entre l’Aiguille de la Bérangère et le col de Miage est tout simplement sublime.
Ce sommet au nom poétique est un des 4 000 mètres les plus accessibles en Europe que l’équipe franco-britannique composée de Cowell, Dundas, Payot et Tairraz fut la première à gravir, en 1860. Pour y accéder, vous passerez une nuit dans le spectaculaire refuge Vittorio-Emmanuele II. Vous aurez peut-être aussi la chance de croiser des bouquetins, emblème du parc national du Grand Paradis, entre les lacs et les glaciers qui parsèment l’ascension vers la statue de la vierge, sereine au sommet. Une expérience unique pour débuter l’alpinisme.
Gravi par des bergers en 1792, puis par le légendaire couple composé d’Anne Lister et d’Ann Walker en 1838 suivis de nombreux pyrénéistes, l’historique sommet du Midi, vous permettra d’aborder tout en douceur les techniques comme l’encordement ou l’utilisation des crampons, après une magnifique randonnée empruntant le GR®10, la traversée du glacier d’Ossoue et l’ascension de la Pique longue, plus haut sommet des Pyrénées française. Pour un niveau un peu plus élevé, attaquez directement la mythique face Nord. Bonus : la soirée au refuge des Oulettes de Gaube vous offrira une des plus belle vue des Pyrénées.
Premier sommet majeur des Alpes à avoir été gravi, en 1877, la Meije Orientale fait partie du mythique massif des Ecrins. Pour une première expérience en alpinisme, le pic Oriental est une très bonne option. Après un séjour au spectaculaire refuge de l’Aigle, l’ascension vers le sommet vous permettra de perfectionner vos techniques d’escalade et de vous initier à la manipulation de matériel spécifique à l’alpinisme. D’en-haut, vous profiterez d’une magnifique vue sur les Ecrins, allant jusqu’au Mont Rose et au Cervin.
Si pendant longtemps, les alpinistes et pyrénéistes ont sous-estimé, au profit de la Maladeta et du Mont Perdu, la hauteur du Seigneur des Pyrénées, il est depuis le début du XIXème siècle reconnu comme le plus haut sommet de la chaîne. La peur succéda à la méconnaissance de cette montagne, le glacier étant à l’origine de nombreuses catastrophes lors des premières tentatives d’ascension. L’Aneto est finalement conquis par une cordée composée d’un officier russe, d’un botaniste normand et de cinq guides locaux en 1842. Aujourd’hui, son ascension vous offrira des vues exceptionnelles et vous initiera à la traversée d’un des deux derniers glaciers pyrénéens. Au coeur du parc national des Posets-Maladeta, dans un massif très sauvage, vous croiserez lors de cette magnifique course une multitude de paysages, de flore et d’animaux avant de franchir le mythique « pont de Mahomet » pour accéder à la croix emblématique du sommet.
La montagne évolue avec le changement climatique. À cause du recul des glaciers cette ascension est devenue plus technique que par le passé (pentes plus raide, nouvelles crevasses, expositions aux chutes de sérac…). Contactez un ou une guide pour vous orienter vers une course plus accessible.
Auparavant considéré comme le plus accessible des 4 000 français, le Dôme des Ecrins nécessite désormais une bonne connaissance technique du terrain et de la météo pour effectuer une ascension sans encombre. Il permet de se faire une nouvelle expérience en altitude et de tester les techniques d’alpinisme devant le panorama exceptionnel sur les Alpes qu’offre la mythique barre des Ecrins.
La montagne est un milieu aussi fragile que spectaculaire. Si l’État et les collectivités locales s’engagent dans sa protection, notamment par le système de classement en parcs nationaux et régionaux, des associations contribuent grandement à la protection de ces joyaux de la nature. N’hésitez pas à les soutenir pour garantir un bel avenir à la montagne et ceux qui la vivent.
De quoi vous donner des idées et vous faire rêver de futures ascensions.
Premier de Cordée — Roger Frison-Roche (1942)
Le livre de montagne par excellence. Derrière l’histoire fictive de la famille Servettaz, Jean le père, guide de haute-montagne, et Pierre le fils, parti à sa recherche dans une expédition périlleuse, Roger Frison-Roche dépeint la rude vie des guides chamoniards, et restitue avec un réalisme terrible l’âme de cette vallée.
Le sommet des dieux — Jirô Taniguchi (2000-2003)
Quand le mythique mangaka Jirô Taniguchi adapte le roman de Baku Yumemakura, les attentes sont grandes. De cette association naîtra un manga culte, mêlant passion de l’alpinisme, histoire de l’ascension de l’Everest et dure loi de la montagne.
La dent du piment — Thomas Vennin (2019)
Les récits de Thomas Vennin, que ce soit dans ses livres, sur son site Summit Day ou dans Les Others Magazine (Volume 10 et Volume 11) nous ravissent. Son livre reprend 100 dates de l’alpinisme pour nous faire découvrir avec humour les moments historiques de la discipline.
Mémento montagne été — Union internationale des associations d’alpinisme (2013)
Ce mémento vous permettra de clarifier et de développer vos techniques liées aux pratiques sportives de montagne.
Il est associé à des fiches pratiques ( par exemple, la liste du matériel à emporter pour de l’alpinisme) téléchargeables librement.
Ascensions — Catherine Destivelle (2003)
Piolet d’or 2020, spécialiste des ascensions solo, Catherine Destivelle se démarque dans le milieu masculin de l’alpinisme des années 1980. Elle raconte dans ce livre comment elle devient, peu à peu, une des plus grandes alpinistes de son temps.
Le site camptocamp est une vraie mine d’information si jamais vous cherchez des topo ou des itinéraires. En plus de carte, vous trouverez les détails des courses réalisées par des pratiquants. Une vraie mine d’or, d’informations et bons conseils !
Merci à Gael Perez, ami, gendarme au PGHM, ancien de la mythique 1S7 et Guide de haute montagne, pour ses précieux conseils, sa relecture éclairée, l’accès à son réseau, et ses blagues.
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