Comme chaque année début avril, la floraison des cerisiers entraîne l’euphorie dans tout le pays. Laure Cousin était sur place pendant la célébration.
Arrivée à Osaka, minuit heure locale. Après une heure de train, Misako et Yasushi nous attendent sur le quai de la gare de Kyoto. Une pluie de formules de politesse, une immense joie de les revoir. La dernière fois que je les ai vu, c’était en 1994, à Paris. C’est mon premier voyage au Japon, j’en ai rêvé. Avec moi, ma mère, qui a elle-même vécu au Japon il y a vingt ans, et son mari. C’est un grand moment d’émotion pour nous tous. Ce séjour est planifié depuis des mois pendant lesquels ma mère a cherché LA date idéale : celle qui nous offrira le spectacle des cerisiers en fleurs.
Chaque année au Japon, c’est la même euphorie. À la télévision, dans les journaux, à la radio, et dans toutes les conversations. « On dit qu’ils seront ouverts à 80% ce weekend à Miyajima. » « Ils ont dit qu’ils le seront à 100% d’ici mercredi« . Partout on suit le progrès de floraison des cerisiers. Dans les gares, on affiche des cartes de floraison montrant à quels endroits les cerisiers sont les plus fleuris.
Les Japonais sont dans un état second, et nous aussi. Les premiers minuscules bourgeons sont apparus, tout le monde est dans l’attente du jour J. Et au Japon, quand il y a cerisier, il y a Hanami.
Hanami est souvent traduit littéralement par « regarder les fleurs ». Mais cela ne suffit pas pour définir ce qui se cache derrière ce mot. Il n’existe dans aucune autre langue un mot pour désigner le fait « de se saouler gentiment sous un arbre, de partager de la nourriture avec des amis tout en contemplant la beauté éphémère de la fleur ».
C’est une vraie fête pour les Japonais. Ils apportent du bon saké, des calamars grillés, des nouilles, des boulettes de poulpes et autres spécialités puis s’installent à l’ombre des cerisiers, en famille, entre amis ou entre collègues. On peut voir des hommes en costumes cravates assis en tailleurs, le visage rougi par l’alcool. Certaines en profitent pour sortir leurs plus belles tenues, comme les Maiko, apprenties Geisha. Malgré la foule, l’ambiance est sereine et bon enfant. La beauté des fleurs de cerisiers impose le respect, comme dans un lieu sacré.
On ressent dans la pratique du Hanami une vraie dimension spirituelle. Yasushi nous l’a très bien expliqué « Nous n’admirons pas les fleurs de cerisiers parce qu’elles sont jolies. On en trouve partout dans le monde. Nous les admirons parce qu’elles tombent sans prévenir. On considérait que c’était la meilleure façon de disparaître pour un samouraï. »
Laure Cousin
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